Ce blog est consacré à l’hydroponie et la bioponie domestique urbaine.
Ces deux techniques de culture font partie de la famille des cultures hors-sol sur substrat neutre. Elles consistent à faire pousser des plantes sans terre, sur un substrat neutre (billes d’argile par exemple), en mettant en place un dispositif efficace pour leur fournir les nutriments nécessaire pour assurer une croissance efficace des racines et des plantes. La recirculation du liquide nutritif évite une grande partie de la consommation d’eau qui est induite dans la culture en sol. Je raconte ici les différentes étapes qui m’ont amené à expérimenter et perfectionner ces technique.
Origine du projet et cheminement
J’ai commencé à m’intéresser aux questions de culture urbaines pendant l’épidémie de COVID. Cet épisode anxiogène m’a fait m’interroger sur certaines questions d’organisation de la société, et aux risques associés à l’approvisionnement en ville des denrées alimentaires. En effet, il semble qu’en cas de gros dysfonctionnement de la logistique d’approvisionnement en nourriture, en quelque jours les villes pourraient se retrouver privées d’une partie importante de leurs ressources alimentaires. Face à cette potentielle fragilité des flux de transport, il semble intéressant de développer des dispositifs urbains assurant une partie (même réduite) de la production de légumes dans la ville. Des études sur ces sujets existent, mais je ne suis pas un spécialiste de la recherche en agriculture urbaine, j’essayerai de faire un peu de bibliographie à ce sujet quand j’aurai le temps.
De plus, les questions d’épuisement de la planète sont maintenant au centre des débats, et cultiver des légumes en étant économe en eau et en énergie est un sujet qui m’intéresse et me semble prometteur pour les temps qui viennent.
Culture hors sol, définitions
Le web pullule d’explications sur ces techniques de culture hors sol. Vous pouvez trouver ici par exemple des définitions simples de l’hydroponie, bioponie et aquaponie proposées par Marion Sarlé (les sourciers). Une page très bien conçue par Ecologia présente l’aquaponie ici. Ecologia propose des formation vers Laval. Marion Sarlé propose le livre « Monter sa microferme en hydroponie, bioponie et aquaponie », en vente sur le site Les Sourciers . Les sourciers proposent aussi des formations en ligne et dans leur ferme du Gers. J’ai suivi la partie en ligne de la formation Microferme Hydroponique qui m’a bien aidé à comprendre les rudiments de base.
Une fois ces grandes définitions comprises, on trouve de très facilement des informations sur les nombreux types de dispositifs utilisés pour ce type de culture (ex : Kratky, DWC, NFT, table à marée, etc.). J’ai choisi les explications sur le site jardinfute.com, mais vous trouverez facilement d’autres systèmes et d’autres explications sur internet.
Si l’on évalue la complexité de ces techniques, on comprend que l’hydroponie est la plus simple des trois, puisqu’elle se base sur la circulation d’une solution nutritive contenant des nutriments minéraux (engrais) directement assimilables par les racines des plantes cultivées. En gros, il suffit de faire circuler de l’eau additionnée d’engrais sur les racines des plantes.
Quand on regarde les principes de la bioponie et l’aquaponie, on comprend que le principe est plus complexe. Dans les deux cas on va transformer des éléments organiques en éléments minéraux pouvant être assimilés par les plantes (minéralisation). Cela est réalisé en deux étapes par l’action de deux types de bactéries qui vont assurer tout d’abord la transformation des éléments organiques en nitrites (bactéries Nitrosomonas) puis des nitrites en nitrates (bactéries Nitrobacter). Dans les deux cas, il faut offrir à ces bactéries un lieu et des conditions de vie, ce qui représente une complexité supplémentaire.
Enfin, pour l’aquaponie il faut aussi s’occuper de ses poissons, et en particulier gérer les caractéristiques de l’eau. Des déséquilibres dans le système peuvent rapidement tuer une partie du cheptel, ce qui est plus impactant que de voir mourir un pied de ciboulette.
Bénéfices des systèmes hors-sol
Les bénéfices de systèmes industriels ne sont pas analysés ici. Mais voici les bénéfices que produit un système opérationnel :
- très faible consommation d’eau (environ 90 % d’économie),
- très faible consommation d’électricité (pompe 10 W),
- fort rendement au m2,
- fierté de produire sa nourriture,
- systèmes en hauteur, hors de portée des nuisibles rampants,
- intérêt pédagogique de la culture des plantes, pour tous (des plus petits aux plus grands),
- système de circulation d’eau produisant un bruit très agréable sans gêner les voisins.
Premier objectif : construire un système hydroponique
Pour avoir les meilleures chances de réussite en limitant la complexité du savoir nécessaire et m’y mettre rapidement, j’ai choisi de commencer par l’hydroponie.
On peut vouloir créer des fermes hydroponiques de taille plus ou moins importante, mais j’ai décidé de m’intéresser à des dispositifs mis en œuvre à l’échelle individuelle ou de proche voisinage, car cela représente des investissements réduits, une capacité de réalisation rapide et un investissement en temps acceptable. De plus, même si l’ambition de tels systèmes n’est pas de produire des bénéfices financiers, elle semble intéressante à l’échelle de l’individu ou du voisinage.
Prototypes
Durant l’hiver 2021, j’ai fait des recherches des différents systèmes hydroponiques disponibles et de comment réaliser sois-même ce genre de choses, et j’ai été rapidement convaincu de l’idée de commencer petit, afin d’être prêt et de pouvoir planter dès le printemps 2022. Le retour d’expérience des personnes expérimentées est unanime : il faut commencer simple et petit.
De plus, commencer avec un petit système simple n’a que des avantages pour quelqu’un comme moi qui aime bricoler :
- Un petit prototype opérationnel est complet, donc on apprendra presque qu’autant de choses que sur un plus gros système.
- Le temps de développement est plus court, on aura ainsi plus de chances d’aboutir dans des délais imposés par ses propres contraintes quotidiennes et l’implacable chef d’orchestre que sont les saisons. Par exemple, en France, il n’est pas vraiment facile de planter des tomates à l’automne, il faudra avoir été prêt pour le printemps, ou attendre le printemps suivant.
- On réduit le coût de fabrication, le risque financier et le temps passé si l’on rate sa réalisation ou si on renonce avant la fin.
J’ai donc recherché les systèmes hydroponiques disponibles sur le marché ; j’ai trouvé pas mal de systèmes clés en main, plus ou moins aboutis et plus ou moins chers. Pourtant, j’ai décidé de construire moi-même mon premier système, pour plusieurs raisons :
- Je suis convaincu que « mettre la main à la pâte » est souvent une bonne idée pour comprendre plus profondément ce qui se passe dans un dispositif technique,
- j’aime bien réaliser des prototypes en adaptant une solution technique existante à mon besoin personnel, cela m’aide à imaginer comment envisager une généralisation à d’autres cas d’usages.
Étape 1 : 2022, un petit système hydroponique (pour Marseille et la région parisienne)
J’ai donc choisi de réaliser un système hydroponique vertical, pour prendre peu de place au sol. Pratiquant l’impression impression 3D, j’ai décidé de partir d’un système déjà conçu avec cette technique de fabrication, et de l’adapter un peu. De plus, j’ai décidé de fabriquer plusieurs systèmes identiques testés entre la Provence et la région parisienne.
Voici à quoi ce système ressemblait dans sa version originale trouvée sur un site internet d’impression 3D :

- La colonne est creuse est composée de modules empilables, ce qui permet de choisir le nombre de plantes,
- le réservoir en bas contient une pompe, cette dernière remonte l’eau via un tuyau au centre de la tour jusqu’à l’étage supérieur qui est lui même percé de trous…
- l’eau passe par ces trous et redescend par gravité jusqu’au réservoir, en arrosant au passage les racines des plantes maintenues en position dans des billes d’argile dans les paniers amovibles (couleur ocre sur la photo) installés dans la tour.
J’ai du adapter le système de fixation entre le bas de la tour avec mon réservoirs, ainsi que certaines autres modifications mineures.
Au printemps 2022 J’ai imprimé et mis en service 4 systèmes modulaires hydroponiques (que l’on pourrait les qualifier d’aéro-hydroponiques car le liquide nutritif ruisselle sur les racines, celles ci ne trempent pas dans le liquide). Ces systèmes avaient la forme d’un cylindre creux dans lequel étaient insérés des paniers contenant des billes d’argile. En bas de la tour un réservoir de 10 à 20 litres dans lequel une pompe alimentait le haut de la tour par un tuyau, le liquide redescendant dans la tour en imprégnant les racines par gravité. Ce système est modulaire et permet d’adapter plus ou moins d’étages de plantation.
Trois ont été déployés dans les bouches du Rhône (2 à Marseille, un à Aix-en-Provence), un à Saint-Germain-en-Laye.
Merci à Aurélie, Martine et Friquette (ma maman) pour les avoir fait fonctionner et testés.
Le détail et les photos sont disponibles sur la page dédiée
Les résultats étaient intéressants, j’ai beaucoup appris de ce système. Mais je suis resté sur ma fin, pour les raisons suivantes :
- J’ai planté des tomates ! Et cela a fonctionné ! Sauf que les tomates produisent des volumes de racines gigantesques, et qu’elles ont envahi l’intérieur, ne laissant pas beaucoup de place au basilic et autres tentatives. De plus, je devait couper les racines des tomates très souvent…
- Les tomates consommaient plusieurs litres d’eau par jour (surtout par évapo-transpiration), ce qui impliquait un remplissage quotidien du bac (2 à 4 litres consommés par jour en plein été dans un bac de 15 puis 30 litres), et donc une assez forte variation de la concentration des nutriments (ce que les plantes n’aiment pas beaucoup).
- Les fraises ont végété,
- J’avais tenté de planter un chou fleur, qui était assez en forme mais n’a jamais rien produit,
- La ciboulette n’a pas tenu, pas plus que le basilic,
Les deux autres systèmes installés dans la région ont produit des tomates et des poivrons pour l’un, rien pour l’autre (par manque de lumière semble-t-il) ; l’expérimentation en région parisienne, avec un climat moins chaud, a été bien meilleure. Et ma maman, qui s’en occupait, était certainement plus performante… Beaucoup de tomates, quelques fraises…
En résumé, oui, ça a fonctionné, mais à part les tomates, le résultat était décevant. Je pense aussi que j’aurais dû ne pas placer mon dispositif en plein soleil en juillet et aout à Marseille, car même les tomates ont souffert de la chaleur !! Je pense même que la sud de la France n’est pas perticulièrement approprié à la culture de tomate en hors sol en juillet/août.
Étape 2 : choix du système pour l’année 2023
Après ce premier essai, je voulais changer et faire évoluer mon système, et j’ai continuer de chercher des informations. Début 2022, j’ai été très motivé par les principes de l’aquaponie. La nature symbiotique poissons + plantes, la création d’un écosystème économe et vertueux, la double production poissons + plantes sur une surface réduite m’ont donné très envie d’aller voir de plus près ce genre de systèmes. J’ai, bien sur, beaucoup exploré internet, vu des réalisations magnifiques (par exemple la chaine de Chris Pagns sur youtube).
J’ai cherché si il existait des formations près de chez moi. J’ai finalement opté pour une initiation à l’aquaponie en mai 2022 chez Aquaponia, by Ecologia, tout près de Laval (en Mayenne). J’ai choisi ce stage pour les compétences reconnues de Guillaume Beucher, et pour le lieu magique.
Je n’ai pas été déçu ! Après avoir surfé sur internet pendant un an, j’ai ainsi pu accéder à une idée plus proche de la réalité de ce qui est possible quand on suit les enseignements de pros qui savent. Voici les principales évolutions de ma vision initiale de l’aquaponie :
- Dans le sud de la France, sans mettre en place une infrastructure solide, coûteuse et complexe, il est difficile (et/ou couteux) d’élever des truites (ce que je souhaitais faire initialement) : la truite meurt dans une eau au delà de 26°. Donc il faut choisir des poissons compatibles avec les températures élevées, comme le poissons rouge (non comestible) ou la carpe. Cela fut un constat un peu amer, mais après avoir vu comment Aquaponia gère ses poissons, après avoir visionné les vidéos de Chris Pagns et lu les livres de référence de l’aquaponie de François Petitet-Gosgnach (Adanat).
J’ai ainsi été convaincu de renoncer (temporairement au moins) à la truite (le rêve de chacun). J’aurais bien opté pour le Tilapia, mais il est interdit en France pour des risque d’invasion si il aboutissait dans une rivière. Dommage, il adore l’eau chaude ! - De plus, même si j’ai la chance d’avoir un jardin, pour réduire la température de l’eau le bac à poissons doit être enterré. Comme je suis locataire, j’ai renoncé à creuser dans le jardin.
- Enfin, l’aquaponie n’est pas simple (surtout au début semble-t-il) et représente une charge mentale forte au quotidien : il faut être un minimum compétent :
- en chimie (pour l’eau : cyclage, nitrates, nitrites, PH, KH, EC, Oxygène),
- en plomberie (étanchéité, maintenance),
- en élevage des poisson (nourrissage, gestion des maladies, etc),
- en connaissance des plantes (semis, croissance, maladies).
- Et cela après avoir réussi à concevoir et réalisr son système , qui demandent des compétences en bricolage (même si on peut aussi acheter un système « clé en main »).
Malgré le désir de l’aquaponie qui n’a pas faibli, il faut parfois réduire ses ambitions. Après réflexion, j’ai donc décidé de ne pas me lancer immédiatement dans cette aventure.
Je précise que des installations aquaponiques sont possibles dans le sud. En particulier, un système très simple commercialisé par la société T’air Eau a été installé avec succès jusque dans le Vaucluse. La simplicité de la conception du système : 2 cuves de 500 litres enterrées reliées ensemble via des air-lifts (définition ici ou ici), sans pompe à eau, limite les risques de fuites et de mauvais fonctionnement au maximum. C’est d’ailleurs un système que je vais étudier car il rompt un peu avec les systèmes classiques et pourrait rendre l’aquaponie plus accessible au débutants…
Étape 3 : 2023, un système hydroponique à Saint-Germain-en-laye (78) et un système bioponique à Marseille (13)
L’aquaponie m’a amené à considérer la bioponie avec un intérêt nouveau : la bioponie, c’est finalement déjà une forme de symbiose entre les bactéries et les plantes. Ce processus de minéralisation (les bactéries qui transforment l’organique en minéral), c’est précisément ce que fait la nature dans le sol (en plus complet car en plus des bactérie, des animaux et champignons participent à cette transformation de l’organique en minéral). Et on peut penser que cette transformation qui n’existe pas en hydroponie , peut, par sa plus grande complexité, produire une meilleure inertie et stabilité dans le temps !
La bioponie demande un biofiltre (ou une maison pour les bactéries – expression favorite de Marion Sarlé des sourciers). Cela signifie qu’il faut un récipient suffisamment volumineux contenant des billes d’argile et du liquide pour héberger les bactéries réalisant la minéralisation. Or, si on revient aux différents dispositifs de culture hors-sol, tous ne sont pas conçus comme cela : mon premier système de tour, tout comme le système NFC ou le système DWC utilisent une petite quantité de billes d’argile situées dans les pots-paniers, mais la fonction de ces billes est de servir de support aux racines de la plante. Il n’y a pas assez de billes pour héberger les bactéries les bactéries.
En revanche, un grand bac de billes d’argiles (équipé ou non de système de marées) peut constituer un biofiltre.
J’ai donc décidé de réaliser un système en bioponie à Marseille, dans mon jardin, et de réaliser un système hydroponique (dépourvu de biofiltre) pour ma maman à Saint-Germain-en-Laye. Dans les deux cas, je voulais augmenter le volume d’eau pour avoir une réserve plus importante et ainsi réduire les contraintes de remplissage quasi quotidiennes en été. J’avais aussi des contraintes de dimensions :
- le système hydroponique devait être implanté sur une terrasse en limitant l’encombrement de ce fait organisé « en longueur »,
- le système bioponique dans mon jardin devait tenir dans le bassin à poissons rouges vide situé au centre du petit jardin.
Pour les systèmes de culture, j’ai essayé de les multiplier pour tester plusieurs systèmes simultanément, afin de déterminer lesquels étaient les mieux adaptés aux légumes et saisons :
- Biofiltre + DWC + NFT + Dutch Buckets pour la bioponie à Marseille (volume total 450 litres)
- NFT + Dutch Buckets pour l’hydroponie à Saint-Germain-en-Laye (volume total 150 litres)
Durant l’hiver 2022 j’ai donc réalisé les deux systèmes à Marseille. J’ai démonté le système destiné à la terrasse en région parisienne et je l’ai envoyée par la poste. Le détail, les plans et les résultats sont accessibles via le menu, dans des pages dédiées, avec des photos.
Prochaine étape : quelques améliorations sur les deux systèmes
A l’usage, on imagine de nombreuses choses à améliorer :
- Dans les deux systèmes, il serait pratique de multiplier les vannes, afin de mieux régler les débits en particulier à l’entrée les NFT, qui demandent un réglage fin.
- La gestion des tomates devient vite compliquée : les tomates sont des plantes qui poussent très vite, mais qu’il faut tutorer et ou attacher afin de ne pas les laisser pousser n’importe comment. J’avais prévu des supports pour installer des ficelles au dessus des Dutch Buckets dans lesquels sont plantées les tomates : cela a fonctionné, mais le volume des tomates demanderait des grillages ou des systèmes d’attache supplémentaires.
- Les Dutch Buckets (20 litres) ont été envahis par les racines des tomates, qui sont allées boucher les évacuations. Le risque est un débordement du seau. J’ai donc testé avec succès un tube de confinement qui interdit aux racines d’aller boucher les tubes (d’un Ø 25 mm)
Comment multiplier ces systèmes pour les diffuser
C’est très agréable de réussir à faire pousser des légumes en ville avec un joli rendement, mais ce serait plus intéressant de permettre la diffusion facile de ce types de systèmes pour que chacun puisse installer cela chez lui. Nous sortons alors du prototypage et nous entrons dans une nouvelle dimension : le projet de multiplication. Ici, de nouveaux problèmes apparaissent…
Vers une industrialisation classique du matériel ?
Classiquement, on se dit qu’en simplifiant et rationalisant les éléments des prototypes, on peut imaginer produire et multiplier multiplier facilement les systèmes. C’est séduisant au premier abord, mais :
Si plusieurs entreprises ont essayé de produire du matériel « clé en main », cela ne semble pas avoir très bien fonctionné. (ici réfs)
Les quelques acteurs